Serait-ce une pause ou une escale interrompant mon périple ? Même si mon objectif premier en arrivant en Amérique centrale était de m’enrichir d’une langue nouvelle, je ne pourrai jamais assez remercier mon ange gardien d’avoir enchaîné les éléments dans cet ordre parfait.
Jour 197, Dimanche 29 mai, sept heure du matin. À peine descendu de l’avion que se présentait à moi le chauffeur de la navette se rendant à Antigua. Je pratiquais directement mon espagnol acquis ces deux dernières semaines grâce à mon Assimil téléchargé et imprimé en Nouvelle Zélande, rafraichissant de ce fait mes bases datant de ma vie académique. J’étais trop fier de moi. En chemin, je questionnais le chauffeur sur plusieurs points. Je lui demandais s’il connaissait une bonne école d’espagnol pas trop chère ainsi qu’un endroit où loger au prix le plus bas. Sa réponse donnera le ton à mon existence guatémaltèque. Il me proposait de loger directement dans une famille locale en immersion totale. Il m’annonçait aussi que la chef de famille, la grand-mère, était professeur d’espagnol dans une école pour touriste et que c’est elle qui se chargerait de ma formation. Et enfin, la cerise sur le gâteau : le prix. Il serait moindre que dans une école officielle car je payerai directement à mon professeur évitant une commission. Au final, nous serions tous deux gagnant dans l’histoire ; elle gagnerait plus, je dépenserais moins. Le temps d’assimiler les informations qu’il me transmettait, je me retrouvais devant la porte d’entrée de ma nouvelle famille. Tout se passait tellement vite. J’avais à peine mis les pieds sur le territoire depuis moins de 2 heures que tout était réglé comme une horloge.
La porte s’ouvrait. J’étais accueilli par Fernando. La première phrase qui me venait à l’esprit fut : « Buenos dias. Soy Nicolas. Tiene una habitacion para mi ? » Il riait et me laissait entrer pour m’introduire à toute la famille. Julia, la grand-mère et chef de famille ne manquait pas de corriger mes premières fautes ; Alejandro et Gerald, les petits fils de Julia et fils de Fernando âgés de quinze et vingt et un ans m’accueillaient timidement mais était ravis de constater que je pouvais déjà m’exprimer (maladroitement) dans leur langue. Fernando, 40ans, fils de Julia, est lui aussi professeur d’espagnol dans une école pour touriste motivé. On m’installait dans ma grande chambre lorsque je commençais enfin à réaliser la nouvelle vie sédentaire qui s’offrait à moi dans une ville d’une toute beauté.
Dès le lendemain de mon arrivé, mes cours commençaient. Trois heures et demi chaque matin. Je m’étais inscrit dans une salle de sport et j’allais volontiers l’après midi me défouler sur le tapis roulant et soulever quelques altères en regardant la télévision en espagnol. Le soir, après le souper, je mettais au propre mes notes de cours du matin. J’étais motivé, ultra motivé et Julia me disait que j’étais doué. En moins de trois semaines toute la grammaire espagnole n’avait plus de secret pour moi et Fernando jugeait utile de passer à l’apprentissage de blagues en espagnol. Il excellait en la matière. Afin d’améliorer mon vocabulaire, nous jouions souvent au Scrabble et je me débrouillais plutôt bien.
J’avais toujours un problème depuis les îles Fidji qu’il fallait résoudre : mon appareil photo reflex. Il me fallait en acheter encore un autre et le seul endroit pour en trouver était la capitale. Cette capitale réputée dangereuse et totalement hors d’intérêt. Par chance, j’avais rencontré Nancy à Antigua qui me proposa d’être ma guide dans cette jungle urbaine. Grâce à elle, je trouvais rapidement ce nouveau Canon qui soulagea ma carte de crédit de quelques neuf cents euros.
Profitant de mon petit séjour à Guatemala city, je suivais quelques heures de cours de salsa et les mettais directement en pratique lors d’une soirée dans un hôtel cinq étoiles.
Au fil des jours, je connaissais tous les recoins de la ville d’Antigua. J’avais mes petites habitudes, mes bars favoris, mes restaurants préférés. Je m’étais fait des amis dans chaque petit magasin que je fréquentais et j’allais très souvent me perdre dans le marché pour observer le vrai Guatemala essayant de prendre en main ma nouvelle machine à figer le temps.
Le bail de la maison était arrivé à sa fin et un déménagement s’imposait. Mon dévouement me causa des maux de dos pour deux semaines, mais j’avais gagné la meilleure des chambres dans la nouvelle maison.
J’avais instauré une règle. Tous les dimanches, je cuisinais pour toute la famille. Je dois avouer que mon hachis Parmentier et ma lasagne ont fait un tabac.
Les jours passaient et se ressemblaient. Mes cours étaient de plus en plus difficiles et mon niveau d’espagnol devenait vraiment très bon. Je ne m’en rendais pas compte mais cela faisait déjà quatre semaines que je vivais à la guatémaltèque et il fallait petit à petit penser à partir. J’organisais une session photo pour les immortaliser tous ensemble et je n’oubliais pas d’imprimer et d’encadrer la meilleure photo afin qu’eux aussi se souviennent de moi pour de longues années.
Le déchirement fut brutal et mon discours d’adieu ne manqua pas d’humidifier les joues de toute ma famille. Il me fallait partir et reprendre cette vie nomade qui me semblait si loin. J’avais des crampes au ventre comme le premier jour de mon départ. C’est comme si j’avais oublié comment voyager, mais à peine dans le taxi pour la capitale, mes reflexes ressurgissaient. Mon chauffeur Oscar, d’une grande sympathie, m’expliqua les cinq années passées illégalement sur le territoire des Etats-Unis à travailler dans le secteur de la construction. Il me conta aussi la dangereuse traversée de la frontière Américano-mexicaine. Mais au final, il ne regrettait rien et vivait confortablement installé dans une belle maison construite à l’écart de la ville grâce à son courage, garantissant à ses deux petites filles un meilleur pouvoir social.
Voilà, mon séjour au Guatemala s’acheva par dix huit heures de bus jusqu’au Nicaragua, traversant le Salvador et le Honduras. Je me faisais beaucoup d’amis dans ce bus étant le seul touriste. Et mon niveau d’espagnol était juste parfait. Merci mon ange gardien.
Je n’aurai qu’un seul regret, c’est de ne pas avoir visité le pays. Après un mois de sédentarisation, je me sentais quelque peu pressé par le temps car il ne fallait pas oublier le but ultime de ma croisade sud-américaine : « El fin del mundo », Ushuaïa, Patagonia. D’un côté, ce n’était pas plus mal, cela me permettrait de concrétiser cette promesse faite à mes proches et revenir leur rendre visite un jour prochain.
Julia, Fernando, Gerald y Alejandro… les extraño mucho.