Jour 267, Vendredi 5 août 2011.
Je n’avais jamais été aussi nerveux de mon voyage. Mon avion avait une heure et demie de retard et après le passage de la douane à l’aéroport de Caracas, je laissais exploser mes émotions à la vue et aux embrassades de ma famille. Ma mère, ma sœur et mon beau-père. Nous étions enfin réunis après plus de huit mois de séparation. Quel bonheur de savoir que j’allais passer les 2 prochaines semaines en leur compagnie.
Nous prenions un taxi jusqu’à l’hôtel Renovaciòn situé dans un quartier qui n’inspirait pas vraiment la sécurité et allions nous coucher de bonne heure afin d’affronter les planifications du lendemain. Ma sœur ne se sentait pas au mieux de sa forme. Elle avait contracté une maladie qui l’affaiblissait fortement et cela m’effrayait. Je savais pertinemment que les maladies importées d’Europe se jetaient littéralement sur moi dû à mon expérience avec Renaud S. qui était venu me rejoindre en Thaïlande. Nous demandions donc à la réception d’appeler un médecin. C’était une ambulance qui fit son apparition. Trois molosses montèrent dans la chambre et après une injection magique dans l’arrière train de ma frangine, La peor parte de la pelicula comme ils l’appelaient, elle était remise sur pied. Moi je préfère dire : un cul vu n’est pas perdu. Nous achetions une pharmacie entière pour faire face aux symptômes secondaires et nous nous lancions enfin dans l’aventure. Les portes se fermaient toutes à nos demandes d’organisation de voyages nationaux. Nous n’avions plus d’autre choix que de se présenter personnellement à l’aéroport le lundi suivant, espérant pouvoir décoller le jour même. D’ici là, nous avions deux jours pour explorer la capitale bolivarienne.
Nous passions une journée à rire, capturer des souvenirs éternels sous un soleil réchauffant le cœur et guérissant les maladies. La Plaza Bolivar, el Teleferico, l’Altamira, la Estancia et son concert de salsa pour finir en soirée à las Mercedes dans un délicieux restaurant italien.
Dimanche, après notre petit déjeuner, nous nous baladions dans le parc des dinosaures et visitions le musée de beaux-arts. Une grande frayeur s’empara de ma sœur et moi lorsque nous perdions les parents dans cette foule immense. Retrouvés et nous soulagés, nous étions escortés par une curieuse police montée et embarquions dans un bus local pour l’adorable quartier d’El Hatillo. Celui-ci était surplombé de favelas (ou fallafels, nom donné par ma mère. D’après elle, plus facile à se rappeler) aux couleurs étincelantes. Ma sœur eut la merveilleuse idée de partir à leur exploration, mais dès le début de notre ascension une femme au bon cœur nous le déconseilla ; trop risqué pour des touristes étayant leur gros appareil photo sur leur estomac de bon vivant. Nous savourions un Cuba Libre avant de nous rendre à nouveau à Las Mercedes dans un restaurant luxueux accueillant de nombreuses créatures à la silicone débordante.
Huit heures du matin, aéroport national de Caracas. Nous négocions pendant des heures avec plusieurs tours opérateurs jonglant avec la concurrence. Cela portera ses fruits car au final, nous économisions quelques centaines d’euros et nous nous envolions enfin vers notre première destination : Canaima. Entre temps, je réservais mon vol pour Lima. Le billet le plus cher de mon tour du monde : six cent vingt deux euros pour trois heures de vol. Dégouté ! Une escale d’une soirée dans l’horrible ville de Porto Ordaz et son hôtel aux cafards discrets pour enfin arriver à Canaima, village de départ pour la découverte du Salto Angel (saut de l’ange), la plus haute cascade du monde.
Nous étions à peine sur place qu’on nous accordait quinze minutes pour empaqueter le strict nécessaire utile à ses deux jours d’excursion dans la jungle. S’en suivait de deux heures de remontée spectaculaire sur une barque dans un décor à couper le souffle entouré des Tepuys, ces canyons grandissimes témoins de l’érosion du temps. Nous découvrions notre campement et les hamacs. Pour mes parents, c’était la première fois de leur vie qu’ils dormaient une nuit entière dans ces lits arqués.
A l’aube, après une courte nuit et bercés par les ronflements intempestifs de nos voisins aux sinus obstrués, nous grimpions à la découverte de ce spectacle de la nature. Une ascension de deux heures particulièrement éprouvante pour ma tendre Mamilou qui s’était équipée de fausses chaussures de sport aux semelles compensées, sensible provocation à la fracture de cheville. Serpentant entre les racines et la végétation luxuriante, nous atteignîmes un mirador au pied de l’Angel, cet acteur immortel qui impose l’hypnose à ses témoins. Quelques centaines de photos plus bas, nous nous baignâmes dans son lit et sa fraicheur. Etrangement, la couleur de l’eau se dégrade du noir au rouge. Il paraitrait que les sédiments des végétaux en décomposition seraient responsables de cette teinte obscure. Par contre, après une baignade au combien rafraichissante, les cheveux et la peau sont d’une propreté et d’une douceur inouïe, produit de ce savon naturel.
Nous redescendions le court d’eau au couché du soleil lorsqu’une averse tropicale déversa sa torpeur sur nos âmes. Le fleuve avait quintuplé son débit et nous devions encore passer sous le Salto Sapo, une autre cascade qui abritait un tunnel naturel derrière son rideau énervé. A moitié nus, nous traversions nerveusement ce chaos auditif et cet enfer aquatique. Quelle sensation exceptionnelle ! Le respect envers notre mère créatrice était légitime et je réalisais une fois de plus à quel point nous ne n’étions que des grains de poussière désarmés face à une entité divinisée.
Après un repas frugal, nous faisions plus ample connaissance avec notre groupe de touristes autour du jeu à boire « Le cercle de feu ». Nous finissions plusieurs bouteilles de rhum et terminions en dansant la salsa d’un pas incertain.
Au matin, je partais seul avec Natalia et sa famille pour se chaparder derrière le Salto Plancho, cascade du même type que le Salto Sapo. Les fortes pluies de la nuit étaient telles qu’elles camouflaient la porte d’entrée du couloir de l’enfer. Mais une fois le rideau franchi, un spectacle comparable à celui de la veille nous éclaboussait de sa somptuosité.
Nous quittions l’eau vive et l’oxygène pur pour notre prochaine destination, les archipels de Los Roques. Mais avant ça, il fallait retransiter par l’affreux Porto Ordaz. Afin d’enjoliver nos cinq heures de passivité, nous décidions de nous rendre à l’hôtel cinq étoiles l’Eurobuilding pour profiter de sa lagune artificielle et nous restaurer.
De retour à Caracas, nous logions dans l’hôtel Tanasau qui ressemblait plus à un centre sous haute sécurité dû à son emplacement malfamé de la capitale.
De l’aéroport de Caracas pour petits bolides, nous décollions survolant la mer Caraïbe vers Los Archipelagos de Los Roques. Des bancs de sable blanc dépassaient de la surface plane de la grande bleue et turquoise pour former en certains endroits des îles d’une beauté suprême. Je pensais avoir vu les plus belles plages du monde aux Fidji, mais je me rendais compte que le vrai Paradis sur terre était ici. Jamais un dégradé de bleus ne m’avait autant captivé. Nous avions à peine atterri en bord de mer que l’on pouvait apercevoir les pélicans plongeant sans hésitation à quelques centimètres des embarcations de pêcheurs pour engloutir leurs poissons favoris. Ce spectacle était fascinant.
Nous étions chaleureusement accueillis par le tenancier de la posada Caballito de mar (l’hippocampe) et sans trop attendre, on nous déposait sur l’île voisine muni de notre frigo box pour commencer notre séance de bronzage intense qui dura quatre jours.
Nous dégustions de délicieux produits de la mer, nous buvions sans compter, nous nous détendions, nous posions devant l’objectif et nous célébrions la flânerie. Juste le Paradis. Quatre jours qui passèrent beaucoup trop vite.
Nos épidermes brulés, nous rentrâmes peinés de devoir abandonner cet oasis de plaisir. Le tout petit ulm nous raccompagna à bon port sans oublier de nous procurer quelques frayeurs au dessus de l’océan et nous revenions à notre prison pour notre dernière nuit dans le pays de Hugo Chavez.
Je quittais ma famille au beau milieu de la nuit pour attraper mon vol Péruvien sans oublier de laisser entre les mains certaines de ma mère mon bâton de pèlerin que je charriais depuis plus de sept mois.
J’appris par la suite qu’ils eurent quelques difficultés à quitter le territoire et pour les résoudre Jean-Paul dut vendre sa montre pour payer les excédants de bagages, sa carte de crédit ne fonctionnant pas aux distributeurs d’argent de l’aéroport.
Cet ainsi que s’achevait mon aventure familiale. Je n’avais jamais été aussi heureux de revoir ma famille. Je les quittais avec le cœur gros et me rendais encore plus compte à quel point ils sont tout pour moi, mon trésor, ma vie. Concevoir une existence éloignée d’eux m’est impossible.
JE VOUS AIME !
A suivre…
NOTRE PARCOURS AU VENEZUELA